Archive pour la catégorie ‘Le quartier change’
1968 – Démolition cité d’urgence
LE QUARTIER CHANGE
1968 – DEMOLITION CITE D’URGENCE
Article Est Républicain – 17 octobre 1968 :
On a donné des noms de fleurs aux immeubles et aux allées de la « Chiennerie » : Tulipes, Coquelicots, Myosotis. A leur pied les cellules lépreuses des cités d’urgence qui vont être rasées
Automne 1955 : une foule énorme conduit au cimetière un petit garçon mort de misère dans un taudis de la banlieue parisienne. L’émotion est grande. A la tête de ce long cortège, un homme porte un béret, une barbe, une canne et une soutane élimée : l’abbé Pierre – c’est de lui qu’il s’agit – va bientôt voler au secours de ces pauvres gens qui arrivent ans des bidonvilles. Pour éviter à d’autres gosses le même destin. Ainsi allaient naître les Cités d’urgence, ou de « première nécessité ».
L’opération était lancée, des mesures prises rapidement, grâce au concours d’architectes et d’entreprises auxquelles un délai de quatre mois fut accordé pour édifier de légères constructions. Elles étaient exiguës et sans grand confort, mais allaient permettre dépanner de nombreuses familles vivant jusque-là dans des conditions déplorables.
Une disparition qui s’avérait doublement nécessaire
Au vrai, ce n’était qu’une solution de fortune : on s’est vite aperçu qu’on n’avait supprimé des taudis que pour en construire des « neufs ». Ce n’était que des cités tampons de relogement pour des familles qui ne pouvaient pas, pour diverses raisons – souvent financières – prétendre à un habitat plus décent. Un peu plus tard, l’Etat débloqua un crédit exceptionnel pour améliorer le confort, si précaires, des cités d’urgence : ce fut le « Milliard CDU » qu’on annonça en grandes manchettes à la « une » des quotidiens parisiens.
Treize ans ont passé et, il faut bien l’admettre aujourd’hui, l’opération s’est révélée désastreusement négative. Un programme de 160 cellules d’urgences fut exécuté en Meurthe-et-Moselle : 50 à Villerupt, 30 à Thil, 40 à Essey-lès-Nancy et 40 à Nancy, dans le quartier d’Haussonville. On ne nous en voudra pas d’écrire que ces cités sont devenues une lèpre et que, partant, leur disparition s’avérait nécessaire, indispensable, étroitement liées au programme d’expansion d’une ville moderne. A Nancy, le docteur Weber, président de l’Office public d’HLM : M. Pierre Deiber, vice-président, et par ailleurs président de l’Office départemental, et M. Aubry, administrateur délégué, ont envisagé au mieux des intérêts de tous d’engager une opération de salubrité – le mot n’est pas trop fort – menée de pair avec un programme de restructuration.
Les quarante cités d’urgence d’Essey, renduez célèbres maintes fois au gré des humeurs du Grémillon qui les innondait, ont été entièrement rasées le mois dernier. Les cinquante cellules de Villerupt sont en voie de disparition. Les trente de Thil, construites sur deux niveaux, subsisteront encore un moment. Quant au quarante d’Haussonville, l’adjudication en vue de leur démolition, aura lieu le 21 octobre.
Sur les quarante familles qui les occupaient, trois ont demandé à être relogées sur place, les trente-sept autres étant relogées depuis quelque temps déjà à Jarville ou à Tomblaine, dans des conditions évidemment différentes de confort et de prix. Mais en vérité, pour prendre l’exemple d’une famille nombreuse misérablement logée en cité d’urgence pour un loyer de 30 F par mois, l’échange en valait la peine. Pour un logement de six pièces à 240 F, le loyer mensuel, déduction faite d’une allocation logement de 180 F, est maintenant de 60 F. Et c’est un logement, un vrai !
La démolition de ces cités a été imposée aussi par le remodelage du quartier de la « Chiennerie ». Car les cités d’urgence ne seront pas les seules à subir les frais de l’opération. Les deux cents maisons jumelées, construites entre 1928 et 1932 sous l’égide, déjà, de l’Office d’HLM seront, elle aussi, résées. Elles ne correspondent plus aux aspirations de confort et d’hygiène d’une famille, même d’un revenu modeste. Et puis elles jalonnent des rues (Joseph Laurent, de la Paix, de Vittel, d’Epinal, d’Amance, une partie de l’avenue de Brabois, etc.) enclavées au cœur d’une ville nouvelle, préfigurée par certaines constructions de standing en bordure de l’avenue de l’Europe, par le campus universitaires, etc.