Archive pour janvier 2019

1968 – Démolition cité d’urgence

LE QUARTIER CHANGE

1968 – DEMOLITION CITE D’URGENCE

 Article Est Républicain – 17 octobre 1968 :

1955-1968 – Cité d’Urgence

 

On a donné des noms de fleurs aux immeubles et aux allées de la « Chiennerie » : Tulipes, Coquelicots, Myosotis. A leur pied les cellules lépreuses des cités d’urgence qui vont être rasées

 

 

 

Automne 1955 : une foule énorme conduit au cimetière un petit garçon mort de misère dans un taudis de la banlieue parisienne. L’émotion est grande. A la tête de ce long cortège, un homme porte un béret, une barbe, une canne et une soutane élimée : l’abbé Pierre – c’est de lui qu’il s’agit – va bientôt voler au secours de ces pauvres gens qui arrivent ans des bidonvilles. Pour éviter à d’autres gosses le même destin. Ainsi allaient naître les Cités d’urgence, ou de « première nécessité ».

L’opération était lancée, des mesures prises rapidement, grâce au concours d’architectes et d’entreprises auxquelles un délai de quatre mois fut accordé pour édifier de légères constructions. Elles étaient exiguës et sans grand confort, mais allaient permettre dépanner de nombreuses familles vivant jusque-là dans des conditions déplorables.

Une disparition qui s’avérait doublement nécessaire

Au vrai, ce n’était qu’une solution de fortune : on s’est vite aperçu qu’on n’avait supprimé des taudis que pour en construire des « neufs ». Ce n’était que des cités tampons de relogement pour des familles qui ne pouvaient pas, pour diverses raisons – souvent financières – prétendre à un habitat plus décent. Un peu plus tard, l’Etat débloqua un crédit exceptionnel pour améliorer le confort, si précaires, des cités d’urgence : ce fut le « Milliard CDU » qu’on annonça en grandes manchettes à la « une » des quotidiens parisiens.

Treize ans ont passé et, il faut bien l’admettre aujourd’hui, l’opération s’est révélée désastreusement négative. Un programme de 160 cellules d’urgences fut exécuté en Meurthe-et-Moselle : 50 à Villerupt, 30 à Thil, 40 à Essey-lès-Nancy et 40 à Nancy, dans le quartier d’Haussonville. On ne nous en voudra pas d’écrire que ces cités sont devenues une lèpre et que, partant, leur disparition s’avérait nécessaire, indispensable, étroitement liées au programme d’expansion d’une ville moderne. A Nancy, le docteur Weber, président de l’Office public d’HLM : M. Pierre Deiber, vice-président, et par ailleurs président de l’Office départemental, et M. Aubry, administrateur délégué, ont envisagé au mieux des intérêts de tous d’engager une opération de salubrité – le mot n’est pas trop fort – menée de pair avec un programme de restructuration.

Les quarante cités d’urgence d’Essey, renduez célèbres maintes fois au gré des humeurs du Grémillon qui les innondait, ont été entièrement rasées le mois dernier. Les cinquante cellules de Villerupt sont en voie de disparition. Les trente de Thil, construites sur deux niveaux, subsisteront encore un moment. Quant au quarante d’Haussonville, l’adjudication en vue de leur démolition, aura lieu le 21 octobre.

Sur les quarante familles qui les occupaient, trois ont demandé à être relogées sur place, les trente-sept autres étant relogées depuis quelque temps déjà à Jarville ou à Tomblaine, dans des conditions évidemment différentes de confort et de prix. Mais en vérité, pour prendre l’exemple d’une famille nombreuse misérablement logée en cité d’urgence pour un loyer de 30 F par mois, l’échange en valait la peine. Pour un logement de six pièces à 240 F, le loyer mensuel, déduction faite d’une allocation logement de 180 F, est maintenant de 60 F. Et c’est un logement, un vrai !

La démolition de ces cités a été imposée aussi par le remodelage du quartier de la « Chiennerie ». Car les cités d’urgence ne seront pas les seules à subir les frais de l’opération. Les deux cents maisons jumelées, construites entre 1928 et 1932 sous l’égide, déjà, de l’Office d’HLM seront, elle aussi, résées. Elles ne correspondent plus aux aspirations de confort et d’hygiène d’une famille, même d’un revenu modeste. Et puis elles jalonnent des rues (Joseph Laurent, de la Paix, de Vittel, d’Epinal, d’Amance, une partie de l’avenue de Brabois, etc.) enclavées au cœur d’une ville nouvelle, préfigurée par certaines constructions de standing en bordure de l’avenue de l’Europe, par le campus universitaires, etc.

 

 

 

 

 

 

 

 

03 Juillet 1993 – Création Nouvel Horizon

 

 

 

 

 

 

 

 

Témoignage d’une ancienne habitante – 1932

Témoignage :

Mon père était Alsacien, né en 1883 à Andlau, sous l’occupation Allemande. Il est venu en France très jeune et s’est fait naturaliser Français. Il a été valet de chambre dans des maisons bourgeoises. Au moment de son mariage en 1912 il travaillait chez des Jésuites à l’Ermitage de Maxéville et c’est là qu’il s’est perfectionné dans la langue française. Il lisait et écrivait le Français correctement. Il a été mobilisé à la guerre de 1914/1918.

Ma mère Alsacienne, née en 1883 à Uberach, d’une famille de 10 enfants. Elle a quitté la maison à 12 ans pour être bonne à tout faire. Comme mon père, elle avait quitté l’Alsace pour venir en France. En 1912, elle travaillait comme cuisinière dans une grande maison bourgeoise de Nancy. Durant la guerre, ma mère a été concierge du Grand Sauvoy à Maxéville qui s’appelait le « Foyer des jeunes ouvriers » dirigé par la Fondation « Le Père Voizelet ». En 1920, ma mère a appris le métier de matelassière qu’elle a exercé jusqu’à l’âge de 69 ans.

En 1932, j’avais 13 ans, nous avons été expulsés, le propriétaire voulait récupérer sa maison. Nous sommes venus habiter la Chiennerie à Nancy que nous n’avons jamais quittée.

En 1934, grave crise du chômage, mon père s’est trouvé au chômage durant 18 mois. En juillet 1936, il a retrouvé un travail de menuisier. Au bout de 15 jours, il a eu un petit accident du travail et a eu une piqûre antitétanique, mais cela s’est infecté ce qui a provoqué une septicémie. Il a été 5 semaines à l’hôpital et est décédé le 4 octobre 1936 suite à son accident.

 

1955 – Cité d’Urgence – Témoignage

TÉMOIGNAGE :

Mon père était gardien de prison dans le midi. Après la fermeture de la prison, mes parents, mon frère et moi, nous sommes allés à Ludres dans un meublé. Il y avait une grande chambre et une petite cuisine.

Vers 1955, j’avais 12 ans,  nous avons habité aux Cités d’Urgence dans le quartier de la Chiennerie. Il y avait une chambre et une grande pièce où se trouvait une pierre à eau, une petite cabine de douche et à côté un wc turc.

Mes parents dormaient dans la grande pièce. La cabine à eau servait de local pour entreposer le charbon.

Les pièces étaient très froides et humides en hivers. Il pouvait y avoir de la glace au plafond. La journée on chauffait au charbon et la nuit avec des briquettes.

Parfois c’était animé par des disputes entre voisins, certains lançaient des petits boulets de charbon, celui qui les recevait les récupérait dans la cour, pour lui. Dans ces moment-là, les parents obligeaient les enfants à rentrer.

Les habitants travaillaient, certains comme gardien de prison à Nancy, à la SNCF, la Poste, dans le bâtiment (entreprise Sila), Je me souviens d’un boulanger et d’un vaguemestre (commissionnaire) à l’hôpital Maringer  et d’une dame qui travaillait à la caserne Thiery, son mari était électricien.

Nous y sommes restés environ 2 ans. Dès que les appartements d’une entrée du bâtiment 7 appelé aujourd’hui les Coquelicots étaient terminés, les habitants des cités d’urgence y étaient relogés.

Ensuite ce sont des familles de St Seb ou de la rue de la Flize qui sont venues habités les cités d’urgence du quartier. Leurs anciens logements ont été démolis.